Madame La Maire, Mes chers collègues,
Après les débats en Conseil Métropolitain de Février 2021, c’est une bonne chose que notre Ville puisse – dans le cadre des travaux de la Métropole – exprimer sa volonté et ses choix politiques sur le Règlement Local de Publicité métropolitain (RLPm). Il en va à la fois du respect de nos engagements portés lors de la campagne des municipales et de celui de la démocratie.
Loin d’être anecdotique, la place de la publicité et des enseignes dans notre ville nous interroge sur la protection de notre cadre de vie, ainsi que sur sur la qualité paysagère et urbanistique que nous souhaitons. En plus de ces objectifs, inscrits dans la réglementation nationale, nous portons – à Nantes – une volonté forte et des positions qui se veulent les plus contraignantes possibles.
Mais revenons tout d’abord sur une question fondamentale : pourquoi cette démarche particulièrement proactive et coercitive ?
Aujourd’hui, même si 70% du territoire métropolitain est en zone non-agglomérée, là où toute publicité est interdite, près de 1.000 dispositifs publicitaires existent sur des domaines privés ou ferroviaires (avec 10% d’entre eux en infraction). L’accumulation parfois anarchique de panneaux sur les axes routiers en entrée d’agglomération ou dans les zones commerciales participe à un certain enlaidissement de la ville. Comme le rappelait en 2010 Télérama dans son célèbre article “Comment la France est devenue moche ?”, le phénomène de périurbanisation – avec sa cohorte de rond-points et de panneaux publicitaires – est intimement mêlé à la consommation des terres naturelles et au développement automobile.
Alors, certes, la restriction de la publicité ne va pas remodeler la forme de la ville d’un coup de baguette magique. Mais cela contribuera à réévaluer notre regard sur ces territoires, souvent en 1ère ou en 2ème couronne. Comment ? En les requalifiant, dans un souci de cohérence intercommunale, et en ne les considérant plus uniquement comme des zones de passage, mais comme des lieux de vie à part entière, surtout quand de l’habitat existe déjà.
Comme le rappellent Eric Hamelin et Olivier Razemon dans leur ouvrage “La tentation du bitume”, “l’artificialisation se poursuit désormais au rythme d’un département tous les sept ans. […] Partout, la même trilogie – infrastructures routières, zones commerciales, lotissements – concourt à l’étalement urbain le plus spectaculaire d’Europe”.
Pour nous, à Nantes, le fait urbain doit être circonscrit par l’arrêt de l’artificialisation des terres. L’alternative est donc la densification équilibrée des quartiers, mais celle-ci ne pourra être acceptée et vertueuse que si nous agissons concrètement à l’amélioration du cadre de vie.
Notre réflexion sur la publicité va dans ce sens : avec la limitation des surfaces et de la densité publicitaire, avec une forte réduction des panneaux numériques ou encore avec le renforcement des plages horaires d’extinction des dispositifs lumineux.
Outre ces enjeux paysagers et urbanistiques, le groupe UDB demande – comme l’association RAP – la reconnaissance de la liberté de (non)-réception comme corollaire de la liberté d’expression. La pollution visuelle et la sur-sollicitation des personnes via des messages publicitaires, accélérée notamment par le numérique, sont problématiques et ont un impact fort sur la psychologie de certaines populations, entre autres chez les plus jeunes.
Comme le souligne RAP, “chaque personne reçoit en moyenne entre 500 et 3 000 messages publicitaires par jour”.L’enjeu pour nous, en tant que collectivité, est d’inverser cette logique en modulant les règles, et en sanctuarisant de nouvelles zones où la publicité serait interdite (aux abords des monuments historiques ou des établissements éducatifs, par exemple).
Vous l’aurez compris, le but ici est d’encadrer et de limiter encore plus la présence de messages publicitaires. Au-delà de ces enjeux, c’est la protection de notre patrimoine, de notre qualité paysagère et notre cadre de vie en général (dans ses dimensions sociales et environnementales) que nous pouvons améliorer, à travers ce règlement. Le groupe UDB votera donc cette délibération.
En vous remerciant.
Aurélien Boulé, élu UDB (Union Démocratique Bretonne)
Conseiller municipal et métropolitain / Kuzulier-kêr ha kumuniezh
Notes :
Points :
. l’urbanisation gagne partout du terrain et c’est un phénomène irréversible, qui contribue à séparer sur un même territoire les activités humaines les unes des autres
. La ville étalée coûte cher en équipements, en entretien, en transports
. selon l’agence européenne pour l’environnement, “plus d’un quart du territoire de l’UE est désormais affectée par l’utilisation urbaine des sols”
. La France consomme pour chaque nouvel habitant une surface de 1450 m2.
. “mitage”, “émiettement”
. coefficient d’occupation des sols
. les COS applicables aux zones d’activité sont souvent inférieurs à 1, ce qui incite à l’édification de hangars peu coûteux et entourés d’aires de stationnement surdimensionnés
. l’artificialisation se poursuit désormais au rythme d’un département tous les sept ans.
. Partout, la même trilogie – infrastructures routières, zones commerciales, lotissements – concourt à l’étalement urbain le plus spectaculaire d’Europe
. En 2003, l’architecte urbaniste David Mangin prend le temps d’y réfléchir quelques mois et sort un an plus tard son formidable bouquin, La Ville franchisée, qui reste l’analyse la plus pertinente des métastases périurbaines. Il faut en finir, dit Mangin, avec l’idée que ce « chaos sort de terre tout seul ». Il résulte au contraire « de rapports de forces politiques, de visions idéologiques, de cultures techniques »
. Le développement de la ville entretient un lien fort et intime avec la civilisation automobile. Celle-ci a fait naître des habitudes nouvelles, abolissant les distances, créant des besoins, modifiant les relations sociales.
. L’étalement urbain est intimement lié au développement automobile, mais aussi à la place accordée à la voiture dans la société. Toutes les politiques visant à limiter la périurbanisation sont vouées à l’échec, si elles ne s’accompagnent pas d’une restriction de la circulation automobile. } la ville des courtes distances
. Cyril Enault : “Les gains de temps résultant des gains de vitesse au cours des dernières décennies sont en totalité réinvestis dans les transports. (…) Le budget temps quotidien reste alors constant en dépit de l’augmentation des vitesses”.
. L’omniprésence des étendues goudronnées
. En France, entre 1992 et 2004, la superficie dévolue aux centres commerciaux “a progressé de 44%, alors que la consommation n’a progressé que de 14%” ( Pascal Madry, Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé)
. L’étalement urbain résulte plutôt d’une série de petites décisions, de renoncements, de choix faciles, que l’on prend au nom de l’intérêt général, de l’économie, de la lutte contre le chômage ou du développement durable.
. Le coût environnemental et social du gaspillage d’espace est considérable.
. La densité ne concerne pas seulement l’habitat, mais aussi l’emploi, les services, les espaces verts et les loisirs
. Limiter l’étalement urbain nécessite des choix clairs, un subtil mélange d’optimisation mathématique de l’espace et d’amélioration de la vie urbaine
. 2015: Grenoble faisait démonter plus de 320 panneaux publicitaires, pour les remplacer par des arbres, libérant l’espace de 3 terrains de foot. 2019: la Métropole actait le retrait de centaines de panneaux aux arrêts de tram/bus.
. https://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php
. https://antipub.org/wp-content/uploads/2013/08/manifeste–RAP-2013-fr.pdf