1 % de l’offre de logements entiers à Rennes est louée par Airbnb

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Intervention d’Ana Sohier, élue UDB, lors du Conseil municipal de Rennes du 9 décembre 2019

Madame la maire, mes chers collègues,

Suivant le sillon ouvert par la critique de la métropolisation faite par l’UDB, j’aimerais évoquer la question de l’économie résidentielle et des risques que cela comporte pour notre ville. Notre magazine, Le Peuple breton, titre ce mois-ci sur Airbnb. Ayant récupéré des informations provenant directement de la multinationale, je me permets d’utiliser celles qui concernent Rennes. Ainsi, la plate-forme explique que 1290 logements entiers étaient proposés en janvier 2019 soit 1 % de l’offre de logement sur la commune.

1 % du parc donc. Un chiffre qui peut paraître ridicule, mais qui, dans une ville avec autant d’habitants que Rennes, pose tout de même question. Que deviennent les habitants de ces 1290 logements lorsqu’ils louent leurs logements ? Est-ce un besoin financier et dans ce cas une contrainte qui pousse des propriétaires (ou locataires) à quitter leur foyer pour augmenter leur salaire ? Ou est-ce un investissement locatif de propriétaires non résidents qui, dès lors, ne fournit pas un bail annuel pour des travailleurs rennais ? On sait en effet qu’il est très rentable de louer à la nuit ou à la semaine, parfois plus qu’à l’année. Surtout quand la régulation est faible.

En tout état de cause, ce sont plusieurs milliers de résidents permanents rennais qui ne pourront pas prétendre à ces logements. Or, il ne vous aura pas échappé qu’il devient difficile pour les plus précaires de se loger. Pour les étudiants notamment qui sont très nombreux à Rennes et qui ne trouvent pas tous de chambres en résidences universitaires.

Madame la Maire, notre voisine Saint-Malo, bien que plus petite, compte 1930 logements entiers proposés par Airbnb soit 5 % de l’offre en logements. Je vous laisse imaginer la pression supplémentaire que cela provoque pour une ville côtière qui n’a pas attendu Airbnb pour avoir des coûts élevés ! Avant que notre ville ne subisse le même sort – car assurément le phénomène est en pleine expansion – nous devons réglementer. D’abord en réclamant une immatriculation aux locataires pour lutter contre les annonces illégales. La loi interdit en effet de louer plus de 120 nuits dans l’année, mais les contrôles sont trop rares. Les communes ont le droit de réduire ce nombre de nuits et nous pensons qu’il serait opportun de le faire avant de voir, à l’instar de Paris, des quartiers entiers changer d’identité et se « touristifier » si vous me permettez l’expression. L’économie résidentielle est une crime quand on mesure l’augmentation du nombre de travailleurs pauvres partout en France.

L’UDB a toujours été claire : la Bretagne appartient d’abord à celles et ceux, Bretons ou non, qui y vivent, qui l’habitent. Nous militons à ce titre pour un statut de résidents. Réglementer Airbnb et toutes les autres plateformes de location de ce type serait une décision courageuse de la part de notre mairie en plus d’être une aide concrète (et gratuite) à l’hôtellerie qui subit de plein fouet cette concurrence déloyale.

Je terminerais en ces temps de mobilisation sociale forte en ayant une pensée pour les Rennaises et les Rennais qui ont du mal à joindre les deux bouts et qui trouvent, avec Airbnb, un moyen relativement facile de mettre du beurre dans les épinards. Grâce aux données d’Airbnb, nous avons la possibilité de connaître les propriétaires ou locataires qui sous-louent. Pourquoi ne pas les contacter pour contractualiser avec eux à l’année ? Notre ville, comme toutes les grandes villes, commence à avoir du mal à loger et construit à un rythme inédit, rythme que nous avons déjà dénoncé maints fois. Je sais que vous avez du mal à comprendre notre logique et certains aiment à railler notre positionnement, estimant que nous sommes « anti-modernité ». Mais la modernité se résume-t-elle à un laissez-faire très libéral ? Personnellement, je n’ai aucun problème avec la location de chambres par Airbnb dès lors que les propriétaires occupent le logement. C’est justement ce que nous prônons : le partage de l’espace et l’augmentation de la densité à logements constants, autrement dit l’augmentation du nombre de personnes par ménage à l’heure où la décohabitation atteint son maximum. Tout l’enjeu est de faire en sorte que ces chambres soient occupées par des étudiants ou en collocation. La location de logements entiers, en revanche, ne participe pas de la même logique du tout et l’esprit de « partage » vanté par Airbnb est dévoyé dès lors que des choix immobiliers opportunistes privent les travailleurs de la possibilité de se loger au plus proche de leur emploi.

Voilà pourquoi, Madame la Maire, nous aimerions que Rennes durcisse les conditions de locations de ces plate-formes, voire qu’elle contrôle la légalité des annonces comme c’est le cas à Paris, par exemple. Il en va de notre « vivre-ensemble ».

Crédit photo : Pymouss CC BY-SA 3.0

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