En 1994 nous n’étions pas si nombreux quand, réunis par la personnalité de Max Simeoni et la dynamique qu’il avait su insuffler pendant son unique mandat de député européen qui s’achevait, nous avons pris la décision périlleuse sinon insensée de présenter une liste des peuples de l’État français aux élections européennes du mois de mai…
Cette liste allait s’appeler Régions & Peuples Solidaires et, à défaut d’obtenir des élus, elle enclencherait une mobilisation sans précédent. Une mobilisation qui, près de 25 ans plus tard, permet à des Alsaciens, des Basques, des Bretons, des Catalans, des Corses, des Imazighen (Berbères), des Martiniquais, des Mosellans, des Occitans, des Savoisiens… et même quelques Parisiens de porter ensemble le combat pour l’émancipation des peuples et la solidarité entre les territoires.
Manex Pagola fut de ces pionniers-là, certes pas le moins enthousiaste ni le moins engagé. Responsable en Iparralde (Pays basque nord) du parti Eusko Alkartasuna (Solidarité basque), Manex répétait souvent que l’union entre nos peuples était le seul chemin possible pour faire reculer les tenants du centralisme et leur idéologie jacobine.
Le 7 juin 2018, Manex nous a quittés et c’est toute la communauté des femmes et des hommes attachés aux valeurs de l’humanisme et du pluralisme qui exprime sa profonde tristesse.
Un auteur-compositeur entré de son vivant au patrimoine immatériel du peuple basque
Dans son pays, Manex était connu d’abord pour ses chansons, composées pour certaines dès les années 60 et que l’on chante aux repas de famille, entre amis au comptoir d’une taverne ou dans les fêtes de village. De cette reconnaissance populaire Manex ne tirait aucune espèce de gloire mais en revanche il disait sa joie d’apporter ainsi sa pierre à la transmission d’un patrimoine et à l’œuvre nécessaire de création.
Manex avait aussi acquis une connaissance savante des cultures populaires. Il était titulaire d’un doctorat en anthropologie sociale et culturelle. Il avait mis cette connaissance scientifique au service de son pays en participant à la fondation du Musée basque de Bayonne où il acheva sa carrière professionnelle comme conservateur-adjoint.
Manex aurait pu se vouer tout entier à la musique et à la culture de son pays auxquelles il a tant donné. Mais ça ne lui suffisait pas. L’engagement politique allait de soi pour cet honnête homme de notre temps. Dès ses 20 ans et jusqu’aux dernières forces que la maladie lui a laissées, Manex a fait œuvre de militant. Il participa notamment à la fondation du mouvement et du journal Enbata, qui symbolise le réveil de la conscience basque en Iparralde dans les années 60, à la création à la même époque des premières écoles Ikastola, qui ont servi de modèle à Diwan, et au lancement en 1981 de la radio en langue basque Gurre Iratia.
Manex était de gauche et le revendiquait, d’une gauche non pas rhétorique et salonarde mais ancrée dans la réalité sociale de son époque et de son pays. Il brocardait ceux qui, chez lui, tenaient un discours vaguement « basquiste » pour mieux asseoir leur domination sociale. Et il avait des mots tout aussi durs envers la pseudo-gauche jacobine, prenant ses ordres à Paris, qui prétend faire le bonheur du peuple en le niant dans son identité. Militant sincère, donc entier, Manex ne mâchait pas ses mots.
La Bretagne perd un ami très cher
La part peut-être la moins connue de cette personnalité riche de tant de facettes et profondément attachante réside dans l’admiration, le mot n’est pas trop fort, que Manex vouait à la vie culturelle et plus particulièrement à la richesse musicale de la Bretagne. « Avec la musique que vous avez, vous méritez d’être une nation » nous disait-il. Venant d’un homme qui avait consacré une grande partie de sa vie à la musique, l’hommage était touchant.
Manex manquera beaucoup à ses nombreux amis. Ils se consoleront, un peu, en sachant que ses chansons résonneront longtemps encore dans les fêtes et les rassemblements populaires sur les deux versants des Pyrénées. Une belle âme survole les rues, les rivières, les montagnes et les grèves de son cher Euskal Herria.
L’Union démocratique bretonne adresse à son épouse Marceline, à ses enfants et à tous les proches de Manex ses condoléances émues et le témoignage de sa reconnaissance.
http://www.euskonews.com/0485zbk/elkar_fr.html
https://www.eke.eus/fr/culture-basque/chant-et-musique-basques/chant-choral/fonds-de-partitions-basques-joseph-maris/les-chants-de-manex-pagola