Monsieur le maire,
Avant de démarrer mon intervention, j’aimerais déminer le sujet. D’abord, mon intervention vise à lutter contre les spéculateurs et non contre les propriétaires. Il y une nuance de taille entre louer une chambre chez soi ou même son logement quand on est soi-même en vacances, histoire de mettre du beurre dans les épinards, et être multipropriétaire et rentier du fait de capacité d’investissement. Le logement est depuis longtemps déjà un placement financier intéressant pour qui a de l’argent, mais dès lors qu’il remet en cause le droit au logement, la société, via le législateur ou les collectivités territoriales, est en droit de fixer des règles.
Ce bordereau est donc une tentative pour limiter les abus. Du moins, nous l’espérons. Certes, la ville de Lorient n’est pas la plus concernée de Bretagne, mais il s’agit d’anticiper pour éviter de nous retrouver dans une situation ingérable socialement. En effet, le développement des locations de courtes durées augmente rapidement sur la côte sud bretonne. A ce jour, ces meublés représenteraient 2,75 % du parc immobilier lorientais environ (correspondant à environ 1000 annonces). Un chiffre qui n’est pas colossal, mais qui doit s’ajouter au 3,3 % de résidences secondaires (1 191) ainsi qu’aux 8,4 % de logements vacants (3 037), chiffres insee. Tous ces logements sont vides une partie de l’année, ils constituent un stock qu’il faut essayer de réduire au maximum ce qui nous éviterait de construire du neuf et ainsi d’artificialiser encore et encore.
Petite étonnement de ma part en lisant que notre majorité estime que « cette nouvelle offre touristique représente une véritable opportunité pour l’économie locale puisque les locations de meublés touristiques contribuent à renforcer l’attractivité d’un territoire ». Le phrase suivante nuance certes le propos, mais nous trouvons ce constat très maladroit car la crise du logement génère de la précarité pour des centaines de famille et en fait fuir une grande partie faute d’avoir un toit sur la tête. Sans compter les difficultés d’embauche dans bon nombre de secteurs d’activité économique, y compris chez nous.
Face à cela, vous décidez donc de prendre deux mesures. Tout d’abord l’enregistrement obligatoire et ensuite l’autorisation préalable de changement d’usage.
Rappelons que ces mesures ne sont pas obligatoires donc nous nous félicitons qu’elles soient prises. Néanmoins, quelques remarques : d’abord l’enregistrement nécessite du contrôle. Or, rien n’est indiqué dans le bordereau qui laisse penser que des moyens humains vérifieront la véracité des déclarations sur l’honneur. L’expérience, notamment à St Malo, prouve que la plate-forme Airbnb par exemple ne fait pas beaucoup d’effort pour supprimer les annonces frauduleuses. Après quelques mois, elle a fini par le faire, mais sans supprimer les annonces dont les numéros sont farfelus du type 0000 ou 1234. Par ailleurs, l’autorisation de changement d’usage non renouvelable tacitement est importante car elle réduit la visibilité des investisseurs qui réfléchissent à deux fois. S’ils ne peuvent louer que 3 ans, le business n’est pas suffisamment florissant. A ce stade, précise le bordereau, il n’est pas proposé de compensation au titre de la perte de logements. Dommage, mais attention à une faille dans le système : le changement d’usage concerne les biens qui passent d’habitations à activités commerciales. Or, un investisseur peut tout à fait acheter un pas de porte commercial ce qui le dispense de demander un changement d’usage puisqu’il reste dans la même activité. Ceci dit pour prévenir et nous éviter la disparition de commerces de proximité supplémentaire.
Aller plus loin dans l’encadrement ne dépend hélas pas que de nous. Dans notre État centralisé, il faut des autorisations. Car voyez-vous, l’État sait mieux que nous s’il nous faut lutter contre les spéculateurs et comment ! Lorient, comme l’immense majorité des communes de Bretagne, ne dispose en effet pas du statut de « zone tendue ». Celles et ceux qui cherchent désespérément à se loger apprécieront. Certains d’entre eux défilaient à Vannes, Lannion, Concarneau et Douarnenez le 10 septembre. Cela mériterait sûrement que l’on s’y penche dans le futur Plan Local de l’Habitat de Lorient Agglomération. La commune de Saint Malo – dont la majorité est de droite – a adopté quatre mesures : l’enregistrement obligatoire pour commencer, la limitation à un bien par personne physique (interdiction des multipropriétaires et des SCI), autorisation donnée pour trois ans et quotas par quartier. Et cela fonctionne puisque les investisseurs commencent à revendre… pour s’installer à côté !
Tout cela pour dire que les effets d’annonce ne suffiront pas. Il faut définir les principes et les objectifs de nos mesures. Il ne s’agit aucunement d’être contre le tourisme, mais d’éviter que cette activité ne remette en cause les autres, celles qui se pratiquent à l’année. Une politique habitat digne de ce nom doit être transversale. Nous avons malgré tout quelques outils à mobiliser pour dégonfler la bulle immobilière au profit des habitants et habitantes. Construire des logements sociaux, lutter contre l’habitat indigne, expérimenter des cohabitations intergénérationnelles…
Bravo donc pour ces premières mesures M. Le Maire, cela va dans le bon sens. Encore un effort pour imaginer un véritable service public du logement.
Gael Briand pour le groupe Lorient en commun