Intervention de Xavier Hamon lors du conseil municipal de Brest le mardi 27 juin 2023, au nom des élu·e·s EELV, UDB, Radicaux de Gauche et Génération·s.
Déplacement forcé des sans-abris en vue des JO Paris 2024 : Brest doit-elle s’associer à ce « Village Potemkine » en accueillant la Flamme olympique ?
Les politiques publiques de lutte contre le sans-abrisme s’inscrivent dans une logique plus large de lutte contre l’exclusion. Sémantiquement l‘exclusion signifie ‘hors de la maison’. Ce concept est apparu dans les sciences sociales avec René Lenoir qui définit l’exclusion comme le stade final de la désaffiliation économique, sociale et culturelle organisée par une société, à l’encontre d’un individu ou d’un groupe d’individus.
La nouvelle politique du gouvernement de déplacer 5000 personnes sans-abris, depuis l’Ile-de-France, vers les régions traitées une fois n’est pas coutume, comme des provinces, témoigne de cette organisation d’exclusion et d’une perte d’éthique collective. Mettre des gens dans les bus et ne plus s’en occuper ensuite, c’est de la dispersion, pas de l’accueil, pas de la mise à l’abri véritable.
Tout travailleur ou travailleuse sociale pourra vous dire que même sans logement, un ou une sans-abris a de multiples attachements : cela peut être un attachement à un quartier, à sa ville, à ses amis, à son chien, à ses repères d’entraide dans sa cité, à tout ce qui peut faire appartenance. Chacune et chacun d’entre nous a besoin de ce sentiment d’appartenance à quelqu’un ou quelque chose. Et cela d’autant plus quand on est exclu, « hors de la maison ».
Ces déplacements organisés renforcent l’exclusion et la désaffiliation des plus vulnérables car ils ne sont pas mus par de véritables propositions d’hébergement ou de logement à la clef. Ils ne font qu’ébranler encore davantage les repères spatiaux et les appartenances des plus démuni.e.s.
Mais le gouvernement veut de beaux Jeux Olympiques.
Pour un chef d’Etat qui entend être respecté, c’est un outil de pouvoir aussi bien qu’une fête sportive. C’est important pour la stature géopolitique d’un pays qui se veut une puissance mondiale. Chacun d’ailleurs veut avoir un bout de cette gloire olympique et beaucoup de collectivités sont même prêtes à payer cher pour cela, alors même qu’elles vivent toutes un contexte de forte tension budgétaire, et qu’il faudrait se concentrer sur les dépenses les plus importantes, les plus vitales, les plus essentielles pour nos droits fondamentaux ! Que dire du Conseil départementale prêt à verser 180 000 euros pour accueillir la flamme dans le Finistère, au moment même où il sabre les subventions aux structures d’intervention sociale ou aux associations de solidarités, alors que nous sommes là au cœur de ses compétences.
Toute cette situation me fait penser à au Village Potemkine :
C’est l’histoire d’un ministre russe, Grigori Potemkine, qui aurait fait ériger en 1787 de luxueuses façades en carton-pâte pour masquer la pauvreté des villages, pour accueillir comme il se doit la visite de l’impératrice Catherine II en Crimée. Nos Jeux Olympiques sont-ils faits de cartons pâte ?
Le village de Potemkine, aujourd’hui en France c’est :
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Un plan pour le logement annoncé qui, pour tous les acteurs, est un échec et est insuffisant pour répondre aux besoins criants de logements nouveaux, du besoin impérieux de soutenir le logement social qui a été affaibli ces dernières années par notre gouvernement.
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Le village Potemkine, c’est aussi le droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence pour les plus vulnérables qui est bafoué. D’un arrêt à un autre, la jurisprudence du Conseil d’Etat n’a cessé de se contredire pour finalement réellement se durcir.
Aujourd’hui, une jurisprudence récente permet à l’Etat de remettre des enfants et des femmes enceintes à la rue, tout en considérant qu’il ne s’agit pas là d’une « carence » fautive de l’administration, lorsque les moyens manquent et que les places sont saturées.
Nous avons donc une éthique à géométrie variable à l’égard notamment des enfants à la rue, qui s’ajuste d’une saison à l’autre, en fonction surtout des économies budgétaires à faire. Le manque de moyens alloués aux services « 115 » et la saturation de l’hébergement d’urgence dans le pays sont éclairant à ce sujet.
Certes l’administration ne peut pas faire sans moyen. Mais l’affaire des moyens est un choix politique ! C’est notre choix de civilisation. Qu’est-ce qui nous apparaît le plus essentiel, le plus fondamental à garantir ?
Depuis leur renaissance en 1894 et au travers des différentes périodes et crises de l’histoire des XXème et XXIème siècles, les Jeux olympiques ont joué un rôle politique et géopolitique dans la promotion à l’échelle du monde, des valeurs d’humanisme et de pacifisme, d’ouverture à la diversité des cultures et des peuples, en somme de liberté, d’égalité et de fraternité, à travers la compétition sportive.
Dans l’organisation des JO de Paris, la France n’est donc clairement pas à la hauteur des principes sur lesquels notre démocratie repose et des valeurs qui unissent notre société, et que nous souhaitons montrer au reste du monde. Nous nous interrogeons donc sur le fait que Brest puisse s’associer à la construction de ce Village Potemkine par l’accueil de la flamme en juin 2024.
L’idéal olympique mérite mieux qu’un décor en carton-pâte.
Xavier Hamon, pour les élu·e·s EELV, UDB, Radicaux de Gauche et Génération·s
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