Groupe Lorient en commun
Monsieur le Maire, Madame Dechavanne, chers toutes et tous !
Une fois encore il est question de ma commission préférée, celle de la dénomination des noms de rues. Je constate avec délectation que les choses avancent en matière de féminisation, de valorisation de l’histoire de Bretagne et de langue bretonne, trois objectifs que je m’étais fixés pour cette commission. Notre groupe ne peut que vous en féliciter.
Néanmoins quelques remarques car il nous semble que notre travail manque de méthode. En ce qui concerne la féminisation par exemple, j’attire votre attention sur un autre aspect de la valorisation. Entre une impasse dans un quartier et un boulevard très fréquenté, il y a un pas qu’il faut franchir. Je suis ravi d’avoir pu rendre hommage à Marguerite Caudan, militante communiste décédée il y a peu, mais elle n’aura pas un boulevard à l’inverse de « Loïc Le Page » qui donne son nom à l’ex-rambla (qui restera probablement « rambla » pour les Lorientaises et Lorientais). De même, « Maria Callas » est le nom d’une bretelle menant à la pénétrante depuis la zone commerciale du Plénéno, sans aucune habitation donc. Je ne sais pas pourquoi la cantatrice a été ainsi punie, mais cela illustre aussi l’importance de valoriser la gente féminine sur des axes importants. Vous me direz : la bretelle d’en face s’appelle Youenn Drezen, écrivain breton lui aussi puni visiblement…
En matière de langue bretonne, j’ai pu constater avec plaisir lors de l’inauguration du mail « Jeanne Villepreux-Power » au Péristyle que les panneaux étaient enfin bilingues ! En effet, depuis la promesse du maire à ce sujet, plusieurs panneaux ont été posés : l’allée « Loïc Le Page » dont seule la voie est traduite (« Alez ») et la rue « Rachel Carson », en face de l’école Diwan qui plus est ne fait même pas mention d’un « straed » (rue) pourtant facile à caser sur un petit panneau. Aucun surcoût, mais un automatisme qui n’est pas encore entré.
On ne peut pas et on ne doit pas fonctionner ainsi, au coup par coup. J’ai eu l’occasion de discuter avec l’Office public de la langue bretonne qui est tout à fait prête à aider la mairie à adopter une politique cohérente à ce sujet. Non seulement une véritable charte graphique comme l’ont fait nos voisins ploemeurois, mais aussi un travail en amont afin que le nom en breton des voies nouvelles puissent être intégré dès leur conception, afin que ce soient les noms officiels que l’on retrouve dans les outils tels que les GPS ensuite. C’est ainsi, à moindre frais, que nous participerons à la revalorisation de notre langue vivante. Sur les noms de lieux, l’Office est aussi prête à donner son expertise et je sais que le service patrimoine utilise les études de mon père pour leur travail. Je tiens sincèrement à les remercier car elles datent du début des années 90 et je garde en mémoire toute la frustration de mon père de les savoir sous-exploitées.
Je ne peux pas finir cette intervention sans évoquer vos déclarations, M. Le Maire, concernant la débaptisation à venir si j’ai bien compris de l’avenue « Lénine ». Je sais que cela fait longtemps que vous portez cette idée, mais sincèrement et sans polémique, pour n’importe qui connaissant l’Histoire de la révolution russe, le moment était mal choisi pour faire cette proposition. Quel rapport entre la guerre en Ukraine et Lénine ? A vrai dire, faire disparaître Lénine arrange même Poutine qui estime que l’Ukraine existe grâce… à Lénine ! Mais soit, je n’ai pas le pouvoir de décision et si vous envisagez toujours de débaptiser cette rue, je proposerai par provocation le nom de « Nestor Makhno », un anarchiste ukrainien ayant lutté non seulement contre l’armée rouge de Trotsky, mais également contre les armées blanches du tsar. D’autres noms m’ont été soumis comme celui de la journaliste russe « Anna Politkovskaïa » ou d’autres journalistes, russes ou ukrainiennes tuées durant cette guerre.
Quoi qu’il en soit, débaptiser une rue est souvent compliqué, nous avons pu le constater avec « Esnoult des Châtelets » mal orthographié et qui nécessiterait des changements importants pour les habitants.
Voyez comme une petite commission permet une multitude de questions. Des questions souvent plus politiques qu’on ne le pense. J’invite chacun et chacune d’entre nous à ne pas manipuler l’Histoire même si nous en avons une lecture différente. Je comprends bien que chaque génération veuille valoriser des personnages historiques différents, mais veillons à ne pas rajouter du mythe au mythe. L’Histoire est une science aussi sérieuse que les mathématiques, la physique ou la chimie. Simplement, elle est soumise à plus d’interprétations du fait de la complexité et de la multitude des faits.