Interventions de Nil Caouissin, conseiller régional UDB, lors de l’examen du Budget primitif de la Région Bretagne. 25 février 2022.
Mes chers collègues,
Le programme 102 entend répondre aux défis des équilibres territoriaux et de la cohésion sociale. On nous cite la mise en œuvre du SRADDET comme réponse à ces défis. Or le SRADDET, tel qu’il existe actuellement, ne tire pas partie de toutes les possibilités. Il aurait pu, comme celui de la Région Occitanie, demander à tous les SCOT de tenir compte de l’objectif de rééquilibrage territorial dans leurs projections démographiques ; ne pas poser ce principe revient à ne pas donner de ligne directrice pour la répartition territoriale de l’effort de réduction de la consommation foncière. Il y a là pourtant un arbitrage fort à donner, car de cette répartition dépendra en bonne partie l’équilibre territorial de demain. C’est le rôle de la Région.
Puisqu’on parle d’équilibre territorial, je voudrais dire au passage, en tant qu’habitant d’une commune rurale du Trégor, que le Rassemblement national n’est pas le porte-parole des campagnes. Loin des caricatures qui en sont faites, les situations des campagnes sont très diverses, comme d’ailleurs celles des zones urbaines. Opposer les unes aux autres est absurde.
La question du logement est abordée aussi ici et je crois qu’il faut que nous y consacrions un temps dans nos débats, tant cette préoccupation est brûlante dans la population.
J’exprimerai d’abord une réserve sur le diagnostic porté dans le rapport. On nous parle d’une offre de logements insuffisante. Tout est relatif, et l’offre n’est insuffisante que par rapport à une demande et à ses caractéristiques… la question n’est pas neutre car en réalité la Bretagne compte largement assez de logements pour l’ensemble de sa population, et pour une bonne partie de la population nouvelle attendue dans les vingt prochaines années. Le problème est celui des inégalités et de l’usage fait des logements. Prenons un cas concret. Sur la période 2011-2016, sur le territoire de Lannion-Trégor Communauté, environ 3 000 logements nouveaux ont été construits. Sur cette période le parc des résidences principales a augmenté d’environ 1 000 logements, et le parc des résidences secondaires d’environ 1 500 logements, plus quelques logements vacants supplémentaires. On voit que la moitié de la croissance du parc de logements a été absorbée par la résidence secondaire ! Et ce n’est pas un cas isolé.
Le problème n’est donc pas seulement celui de l’offre, il se situe aussi du côté d’une demande reflétant très fortement les inégalités. Le problème du logement est avant tout celui d’un manque de régulation, de priorisation des besoins. Ce point est essentiel pour ne pas céder à une frénésie constructrice qui pourrait bien être un coup d’épée dans l’eau.
Cela étant dit, le fait est qu’aujourd’hui la Région Bretagne n’a pas les moyens réglementaires ou législatifs pour réguler le marché du logement. Elle ne peut intervenir, et c’est une faiblesse sérieuse, que du côté de l’offre. L’Office foncier solidaire pourrait permettre de contribuer à une offre de logements encadrée, de manière à éviter des fuites de logements nouvellement produits vers le marché spéculatif ou la résidence secondaire. Chers collègues de la majorité, vous aviez, comme nous, mis la création d’un Office foncier solidaire régional dans votre programme électoral, et cette mesure avait été réaffirmée dans le discours d’investiture du président. J’avoue donc une certaine déception en voyant que la seule annonce ferme est celle d’une étude. Une étude, c’est certainement nécessaire, mais la création d’un Office foncier solidaire se voit renvoyée dans un avenir indéterminé et sans aucun engagement ferme. Vous me répondrez peut-être qu’un mandat régional, c’est long, et qu’il reste 6 bonnes années pour faire l’OFS. Certes. Mais la crise du logement est là, l’urgence est là. Des personnes, des familles, subissent un habitat dégradé, ou trop éloigné de leur lieu d’activité, des habitants anciens ou nouveaux de Bretagne ne peuvent déménager, ne peuvent répondre à des offres d’emploi. Faut-il vraiment attendre des années, ou ne serait-ce qu’une seule, pour annoncer la création d’un outil qui était déjà dans votre programme ?
Que l’on pense au foncier ou au logement, les annonces, à nos yeux, ne sont pas à la hauteur des défis sur ce programme.
Pour terminer, monsieur le Président, j’ai entendu votre annonce d’un débat sur le logement. Débat nécessaire. Là encore, le calendrier m’interroge au regard de l’urgence. Ce débat aurait pu, et dû je le crois, se tenir dès la première année du mandat. Mais nous répondrons présents pour y participer.