Intervention de Gael Briand lors du conseil municipal de Lorient du mercredi 29 mars 2023.
Rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes à la ville de Lorient
Monsieur le Maire, chers collègues,
Comme chaque année, il nous appartient de commenter le rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes à la ville de Lorient. Dans cette longue liste à la Prévert, nous n’allons pas commenter chaque action. La plupart nous paraissent positives. Nous notons par exemple la réduction de l’écart de salaire brut mensuel constaté. Cela témoigne qu’en matière salariale, notre collectivité tend à l’exemplarité. Nous notons également très favorablement la création d’une mission laïcité, égalité femmes / hommes, lutte contre les discriminations au sein de la direction sports, jeunesse et vie associative. Enfin, nous apprécions les efforts visant à dégenrer les métiers dans les CFA. Liste non exhaustive.
Néanmoins, ce type de document obligatoire compile. Cela laisse entendre qu’une véritable politique publique en la matière existerait. Il nous semble de notre côté qu’en y regardant de plus près, on trouve principalement des actions de sensibilisation comme des expositions ou des campagnes de lutte contre les discriminations ou les violences sexistes et sexuelles. Très bien ! Loin de nous l’idée que les critiquer. En revanche, la collectivité se doit de réfléchir elle-même à comment aller plus loin. Cela nécessiterait des chiffres sur l’égalité femmes-hommes à l’échelle de Lorient et pas seulement de la mairie.
Pour commencer, il nous faudrait corriger un certain nombre de biais cognitifs que l’on retrouve jusque dans ce bordereau censé pourtant démontrer les efforts de notre collectivité. Ainsi, quand il est question des modes de garde, le document précise qu’il servira aux « femmes seules ». Intéressant. Ne sert-il pas aussi aux hommes seuls ?
Je me permets ici de le dire car la division sexuée du travail est profondément ancrée dans les mentalités : productif pour les hommes et reproductif chez les femmes. On parle souvent des difficultés des femmes à concilier vie professionnelle et vie familiale. Mais comment font les pères au juste ? Et bien, rien de plus simple : ils délèguent ! Pour être plus clair : les inégalités domestiques ne sont au fond que le miroir des inégalités professionnelles. Et vice-versa. Il est presque tabou de se mêler de la vie privée des gens et je le comprends, mais il est nécessaire de constater que même dans les liens affectifs, les relations de domination demeurent. Alors, vous me rétorquerez que la collectivité ne peut pas entrer dans les foyers et vous aurez en partie raison.
En revanche, il nous semble possible d’universaliser les prestations. La loi oblige les femmes à prendre un congé maternité. Mais pas les hommes ! Certes le congé paternité a été allongé de onze à vingt-huit jours en 2021, mais seulement sept sont obligatoires. Le congé maternité, lui, a été imposé aux femmes pour les protéger des pressions patronales à ne pas les prendre. On ne s’étonnera donc pas que, suite à cela, 90 % des temps partiels sont pris par des femmes dans le but d’élever leurs enfants. Mais pourquoi cette logique ne vaut pas aussi pour les hommes si ce n’est parce que nous sommes encore emprunt d’une politique patriarcale ? Je ne le dis pas pour accabler les hommes : ce sont au contraire les politiques publiques qui leur désigne leur rôle. Et ces politiques publiques desservent les femmes au fond car leur choix est plus restreint. Cela les impacte tout au long de leur vie : jusqu’au patrimoine ! Car avec la logique « petits revenus, petites dépenses, gros revenus, grosses dépenses », les inégalités de patrimoine se creusent. Comme l’écrit la chercheuse Titiou Lecoq, si monsieur achète la voiture et que madame achète les yaourts, monsieur récupère la voiture après le divorce. Et que récupère madame ?
Ce que j’aimerais démontrer, c’est que notre collectivité ne peut pas se contenter de « valoriser les femmes dans l’espace public » même si c’est important, ni même d’éclairer symboliquement la façade de l’hôtel de ville en orange dans le cadre cette journée de lutte contre les violences faites aux femmes. Il faut qu’elle adopte une réflexion bien plus large sur la famille et la division des rôles. Il est ainsi prouvé que le lien père-enfant évolue en fonction du temps passé au plus jeune âge. Surtout, la division des tâches s’opère dès le début de la vie de l’enfant… raison de plus pour renvoyer les pères chez eux ! La collectivité pourrait sans doute offrir un bonus aux pères par rapport à la loi. Ce faisant, on aiderait concrètement les jeunes mères lorientaises en gratifiant les pères ! Comme quoi, il n’y a pas de guerre des sexes… il faut parfois chercher à universaliser les politiques publiques plutôt qu’à les genrer.
On n’émancipe pas, on s’émancipe. C’est donc d’abord la possibilité de s’exprimer qui doit être offerte par la mairie.
Gael Briand, conseiller municipal UDB et Lorient en Commun
Voir aussi :
- Lorient. Du breton dans les musées
- Lorient. Du breton dans les transports publics
- Lorient. Changement d’usage et déclaration obligatoire