Monsieur le Président, Monsieur le Vice-Président,
Je commencerais cette intervention en m’étonnant. Pourquoi distinguer la stratégie maritime de la stratégie portuaire ? J’avoue ne pas comprendre l’existence de deux bordereaux. Je me suis dit ensuite qu’un choix avait été fait entre un seul document au risque d’être fourre-tout et plusieurs en fonction des domaines d’activité, au risque de rater des convergences de politique. L’avantage, c’est qu’il ne m’était pas possible de tout dire en 7 minutes donc je vous propose de reprendre mon propos.
La Région Bretagne a, nous semble-t-il, un regard bien trop équipementier. Pour autant, l’affirmation du caractère industrialo-maritime de ses ports et la volonté de réserver le foncier portuaire aux industriels est une bonne chose, mais ce n’est absolument pas une nouveauté. Quand moi-même, j’effectuais mon stage de licence sur le port de commerce de Lorient, c’était déjà le cas. En 2005.
Désormais il s’agirait d’être pro-actif en matière commercial comme je l’ai exprimé tout à l’heure par rapport aux marchandises. Or, qu’est-ce qu’une « stratégie » ? L’art d’élaborer un plan d’actions coordonnées. Ici, une fois encore, on trouve un constat souvent juste, des objectifs un peu vagues et une méthode trop absente.
Vous allez sûrement dire que je radote, voire que je bégaye, mais avant de parler neutralité carbone des navires, il faut penser à ce qu’on y met dedans. Or, je cite le document : « les volumes de trafics sont en effet en baisse depuis quelques années. Les activités actuellement majeures des ports bretons sont menacées d’érosion (imports de matières premières agricole et hydrocarbures notamment) tandis que les nouveaux potentiels (relocalisation des activités industrielles, report modal, économie verte, EMR, conteneurs, RORO, diversifications liées à l’économie digitale, aux changements de propulsion…) sont encore émergents ou à développer ». Une fois encore, je pense qu’on aurait du attendre la stratégie fret pour être cohérent.
Alors quand je lis « la part du cabotage n’est pas pour autant négligeable », je souris. L’Allemagne dont la tradition maritime est assez faible a plus de caboteurs que la France et ses milliers de kilomètres de côtes poétiques. Ce n’est pas parce que nous avons des îles qu’il faut desservir que la Bretagne est championne du cabotage. Lors des siècles précédents, les ports étaient bien plus nombreux. Redon était un port maritime ! Chaque hâvre, chaque crique, chaque abris était un port potentiel. Les navires également étaient plus nombreux. La Bretagne ducale constituait même l’une plus grande flotte du monde au cours du XVe siècle. De même, les échanges maritimes internationaux étaient plus nombreux. Au milieu du XIXe siècle, le pays de Galles alimentait en houille les usines bretonnes de charbon de qualité. Il nous faudrait retrouver cette logique d’échanges de proximité dans notre bassin maritime, l’espace Manche-Atlantique ! Pas du charbon bien sûr…
Dès lors, la toute première réflexion nécessaire devrait être : que mettre dans nos navires ? L’occupation de l’espace portuaire ne sera jamais un problème. L’éolien y a trouvé une belle place, mais son transport reste en camion ! J’ai vu un convoi pas plus tard qu’il y a deux jours sur la RN 165. Pourquoi pas par mer ? La sollicitation de la Région pour obtenir les agréments nécessaires à l’import/export des produits bio est positive, il faut continuer à l’exiger.
Ce que nous retenons positivement de ce bordereau, c’est la volonté de complémentarité et de non-concurrence entre nos ports. « La Bretagne, un port plusieurs quais » : tel est votre slogan. Enfin !, ai-je envie de dire. En creux, vous reconnaissez donc qu’il y avait des concurrences, ce que nous dénoncions justement (de même qu’en matière aéroportuaire). Désormais il nous appartient de tisser aussi des liens avec le port de Saint-Nazaire, notre hub, avec pour objectif de délester le trafic par voie maritime vers les plus petites places portuaires.
Parler de cabotage, c’est cesser de s’adapter au gigantisme des ports et envisager les trafics possibles avec des navires souples et néanmoins capables de remplacer plusieurs dizaines de camions. Dès lors, nul besoin d’avoir uniquement d’énormes équipements coûteux. Le projet de port en eaux profondes de Keraret, à Plouguiel dans le Trégor, porté depuis plus de 40 ans, devient non seulement faisable, mais nécessaire. Un simple quai permettant à des légumiers de charger sur de petits bateaux leurs marchandises.
On ne saurait imaginer milieu plus capitalistique que l’économie maritime. Aussi, nous trouvons positif que la Région reprenne la main sur ses ports et ne laisse pas l’ensemble de la gestion aux concessionnaires.
En matière maritime comme dans d’autres domaines, nous devons réfléchir à côté ! Comme je l’ai dit tout à l’heure : ne pas accepter les règles du jeu qui ne sont pas faites pour nous. Créer de la solidarité dans un monde ultra-concurrentiel. Un défi primordial pour la gauche que nous sommes.